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Denis Dufour | Notice des œuvres

Amor Niger L.

2018 | 6’30 | opus 184 | éditions Maison Ona

pour voix et support audio

• Cycle Le Livre des désordres

• Réalisation de la partie électroacoustique sur ordinateur au studio du compositeur à Paris 19e

• Prises de son : Denis Dufour et Simon Gendrot

• Texte de Thomas Brando

• Création à Paris, Liberté Living Lab, le 6 juillet 2018 par Hamish Hossain, voix, et Maylis Raynal sur acousmonium Alcôme

Neuvième pièce du cycle Le Livre des désordres (1), Amor Niger L. a été composé dans le cadre d’un projet collectif conçu par Simon Gendrot pour la classe de Composition électroacoustique et Création sonore que je dirige au CRR de Paris. À partir du Codex Seraphinianus de Luigi Serafini, imposante encyclopédie d’un monde imaginaire, Simon Gendrot a extrait une vingtaine de planches illustrées, autant fantaisistes qu’ingénieuses, qu’il a choisi de faire vivre en proposant aux participants de traduire musicalement les histoires qu’il s’est inventées. Ils les a classées en cinq catégories qu’il a intitulées Phytologia, Physica-Chemia, Zoologia, Machina, Ethnomusicologia. C’est dans la première catégorie qu’il a ainsi décrit la plante qu’il a nommée Sulphuraplanta et dont je me suis emparé pour composer mon œuvre : « Au printemps, ses petites pousses forment rapidement de jolis parterres de baies dans les prairies montagnardes. D’apparence inoffensive, cette plante s’avère redoutablement carnivore. En effet, tout insecte qui se pose sur l’une des baies pour y butiner déclenche une petite réaction en chaîne qui enflamme la fleur et carbonise instantanément son hôte. Ses restes se répandent alors en cendres au pied de la plante pour y servir d’engrais. Très vite, la sulphuraplanta envahit la prairie et le cycle peut recommencer. Cette plante est à l’origine de véritables brasiers si le vent se met à souffler… ». Cette description faisant écho aux thématiques développées dans Le Livre des désordres, j’ai pris le parti d’utiliser un texte de Thomas Brando, Noir.

 

1. Commencé en 2007, Le Livre des désordres est une suite d’œuvres acousmatiques, instrumentales et mixtes* inspirées par les cycles perturbés de l’humeur propres aux personnes bipolaires, alternant les abysses de la plus profonde dépression et l’exaltation sommitale d’une toute puissance invincible et solaire. Le côtoiement d’un proche touché par ce trouble m’a suggéré d’exprimer par la musique, selon les œuvres, soit son ressenti profond entre excitation et abattement, soit mon observation distanciée de ses changements d’état, soit mes propres souffrances face tantôt à son excessive et destructrice euphorie, tantôt à son épuisante et déroutante immobilité. Compositeur, j’ai, depuis longtemps déjà, investi dans mes musiques** le territoire des sentiments, de leurs désordres et des déjouements dont ils sont souvent l’objet. Le trouble psychique, rarement évoqué de front, apparaît pourtant comme le moteur bien involontaire de nombre d’actions, de décisions, d’œuvres artistiques, d’aventures extraordinaires comme de redoutables tragédies humaines. Modèle à la fois abstrait, conceptuel et anecdotique, j’en ai fait, nourri de mes expériences et de mes rencontres, l’une des bases de réflexion et de construction de ma création. Cependant, chacun sait que la musique n’exprime rien d’autre que ce qu’il peut comprendre de son propre vécu et de ses sentiments, et de ce qu’il peut en accepter. [Denis Dufour]

* L’Esprit en étoile [2007] pour support audio | Spiritus / Stella pour deux basses de viole | Dionaea [2007] pour support audio • Noir [2008] pour piano et support audio | Heimliches Licht [2008] pour flûte et support audio | The Blob [2009] pour support audio | Face aux ténèbres [2009] pour saxophone alto, percussion, piano et support audio | Sprint [2015] pour flûte, percussion, violon, violoncelle et contrebasse | Amor Niger L. [2018] pour voix et support audio.

** Notre besoin de consolation est impossible à rassasier [1989, texte de Stig Dagerman lu par Thomas Brando] | Charge maximale [1991] | Bazar punaise [1996] | Voix off' [2005] sur des texte de Thomas Brando.

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