Denis Dufour | Notice des œuvres
Hérisson cathédrale
1990 | 19’00 | opus 59 | éditions Maison Ona
pour flûte, clarinette en sib, violon, violoncelle, piano, célesta, clavecin
1. Allegro dinamico - la Tête, le Portail · 2. Lento maestroso - la Nef, l’Abdomen · 3. Prestissimo agitato - le Chapitre, la Queue
• Sur une proposition de Thomas Brando
• Commande de Radio France
• Création à Paris, auditorium 104 de la Maison de Radio France, le 12 juin 1990 lors des Mardis de la musique de chambre, par l’ensemble Forum sous la direction de Mark Foster
C’est une déambulation fantomatique que nous invite à suivre Denis Dufour dans cette œuvre à la lisière de l’éclatement et de la contemplation. Introduits par la main magique d’un officiant initié à une mystique quotidienne de la désintégration, nous pénétrons dans le péristyle comme par effraction, glissons des pas furtifs comme témoins d’une cérémonie qui a commencé sans nous. Le chœur illumine, irradie d’une présence surnaturelle la mystérieuse communion des corps. Il y a du paganisme là-dessous, une ambiance de crypte, on touche à l’archétype, à une sauvagerie sacrée. Et à l’Esprit. Ce n’est pas la frénésie ordonnée des évangélistes, c’est plutôt une animalité surprise, des criminels ici se sont confessés, il y a des fauves innocents qui rôdent. L’esprit de la forêt se matérialise, fugace, insaisissable. Rêve réalisé d’une église primitive, contradictoire, menacée mais vivante. Les piliers fléchissent, des arcs brisés s’avancent et se croisent, sous la lumière changeante d’une canopée habitée de cris. Est-ce cette lumière qui ordonne ces glissements, ces feulements, ce ballet de bêtes inquiètes ? Pourtant une curieuse impression d’ordre règne. Une mathématique secrète influence les gestes, les mouvements, une fluidité, une danse qui ne doit rien au hasard. « Forêts, vous m’effrayez comme des cathédrales » aurait écrit Charles Baudelaire. A moins que ce ne soit l’inverse.
[Jérôme Nylon]