Denis Dufour | Notice des œuvres
Poursuite
2011 | 10'00 | opus 156 | éditions Maison Ona
pour violon et violoncelle
• Commande de Motus
• Dédié à Saori Furukawa et Nicolas Carpentier
• Création à Paris, Salle des expositions de la mairie du 2e arrondissement, le 14 avril 2011 lors des Concerts des quatre saisons (Concert de printemps) par Saori Furukawa, violon, et Nicolas Carpentier, violoncelle.
C’est un acrobate. Ou une chanteuse. Jascha Heifetz ou Ella Fitzgerald, entre Paganini et Prokofiev. C’est le numéro stupéfiant d’un music hall imaginaire, d’un cirque à l’athlète en solitaire. Éclairé par une poursuite, fidèle, implacable, tremblante. Ce sont des gestes de magicien éclairés par un halo sonore et visuel. L’ombre agrandie parfois précède le geste. Cela fait briller, et procure aussi quelque confusion. Une poursuite. Mais pour échapper à quoi ? Au temps qui passe, impitoyable et tranquille. [Jérôme Nylon]
La structure, l’écriture, le caractère et l’esprit de Poursuite sont bâtis sur ceux du poème L’Acrobate de Thomas Brando.
L’Acrobate [Thomas Brando, Paris le 8 mars 2011]
Sur un fond de furieuse solitude
Navigue la plastique d’un pipeau
Cher à mon cœur
[Confondant sûrement vitesse et inquiétude]
Une croix imprimée sur ma peau, un navire, un nuage arrimé sur le dos
Aussi charmeur endormi qu’agresseur
Admiré tant par Dieu que par les pustules
Et dresseur de rats estourbis
Autant que par un marteau tous les cents mètres
Par tant de beauté retenue [à moi parfois dévoilée]
Et les rouages insaisissables du ciel
Le cycliste improbable, nu, file vite, envolé
Échappé, déjà demain, transformé en un vent de sable
Tout gonflé de son énergie superflue
Traversant tous mes tableaux érotiques
D’un flash !
Transcendant l’attraction détestable
Tout élancé et maigre
Une hache et un roseau
Une flamme un feu mystique
Abandonné, jovial dans sa chute
Autant qu’une feuille d’automne rattrapée à la minute ultime
Qu’une lune, une dernière goutte d’encre qui se pose sur le papier
Que deux pieds nus auréolés d’Asie…
Il est ailleurs le miracle de cet athlète
Qui se tue
Non dans sa fantaisie entêtée
Ni dans ma tête
Il réalise là un équilibre improbable
La résolution d’une mathématique inéquitable
Désobéissant à toutes les lois
[Dont il déplace aisément les tables]
Ni dans aucun réceptacle
De tristesse, dans nulle jouissance prévisible
Ni dans la flèche ni dans sa cible
C’est le trait d’un esprit pur, incarné, immédiat
Qui traverse le septième ciel
Tout armé de son énergie inconnue
Stable sur sa corde pentue, essentiel
Généreux, grandissant, détendu.
C’est la Nature stylisée
Ce sont mes demandes de rendez-vous sans suite
Le rêve plus vrai que ce sang réel
Qui prit la forme de ma poursuite.