
Denis Dufour | Notice des œuvres
Tu sa’ ch’i’ so
1989 | 19'00 | opus 57 | éditions Maison Ona
pour soprano, clarinette en sib, violon, alto et violoncelle
• Textes de Michel-Ange
• Demande de Liliane Mazeron
• Dédié à Camille Germser
• Création à Paris, studio 106 de la Maison de Radio France, le 17 décembre 1989, dans le cadre du Club de musique contemporaine, par Liliane Mazeron, soprano, Ruriko Tsuvahara, violon, Jean Sulem, alto, Hikaru Sato, violoncelle, Shigeru Ikushima, clarinette, sous la direction d’Ichiro Nodaïra
Deux poèmes d’amour de Michel-Ange composent ce diptyque enchaîné, deux joyaux sombres de la poésie galante, deux pierres précieuses dans le jardin des amoureux, jardin de notes un peu folles et de morphologies aux structures enchevêtrées. Le onzième quatrain fait d’un corps à corps léger et fluide d’une soprano coloratur et d’une clarinette, tenace et triste, comme ’l’ombre de ton ombre, l’ombre de ton chien’. Éconduction constatée, marmonnée, litanie et plainte élégante, où voix et instrument vibrent à l’unisson d’une souffrance esthétique et transcendée. Dans le Sonnet à Tommaso Cavalieri, l’Italie frémissante des peupliers de la via Appia, des pins des jardins de Rome passe entière, souffrante et épanouie. Patrie des musiciens et des amoureux, elle s’incarne dans des inflexions qu’empoisonnent des trilles délicieux, des chromatismes grinçants et riches, des ribambelles nostalgiques. On pense à Dallapiccola, au Schoenberg de la Nuit transfigurée, tant la douleur qui transfigure est aussi ici transfigurée et gorgée de toute l’énergie du crépuscule. On n’est pas loin non plus de la mise en scène alanguie d’un Pelléas, dont Tu sa’ ch’i’ so reprend quelques recettes dramatiques, celles de ‘l’opéra intérieur’…
[Thomas Brando].